
Édité par notre Bénévole le chef de la rédaction ALY BAKKALI

Introduction
La relation entre les services britanniques et l’émergence du wahhabisme au XVIIIe siècle constitue un sujet historique complexe et controversé. Fondé par Mohammed ben Abdelwahhab en 1744 dans la région du Nejd (actuelle Arabie saoudite), le wahhabisme est devenu une force idéologique majeure dans le monde musulman. Plusieurs sources historiques suggèrent que l’Empire britannique aurait joué un rôle dans le soutien à ce mouvement, principalement pour affaiblir l’Empire ottoman, alors puissance dominante au Moyen-Orient .
Le contexte historique de l’émergence du wahhabisme
La naissance du mouvement
Mohammed ben Abdelwahhab (1703-1792) développa une doctrine rigoriste s’inspirant de l’école hanbalite et des enseignements d’Ibn Taymiyya. Il prônait un retour à un islam “pur” en rejetant toutes les innovations (bid’a) et pratiques qu’il considérait comme du polythéisme (shirk), notamment le culte des saints et des tombeaux .
En 1744, il conclut un pacte historique avec Mohammed Ibn Saoud, chef local de Dariya, scellant ainsi l’alliance entre le pouvoir religieux wahhabite et le pouvoir politique des Saoud. Ce “Pacte de Nejd” marqua le début de l’expansion conjointe des Saoud et des wahhabites en Arabie .
L’expansion wahhabite et la réaction ottomane
Au début du XIXe siècle, les forces wahhabites-saoudiennes conquirent plusieurs régions arabes, dont les villes saintes de La Mecque et Médine (1803-1806), ainsi que Kerbala, ville sainte chiite où ils commirent un massacre en 1802 . Ces conquêtes menaçaient directement l’autorité ottomane sur les lieux saints de l’islam.
En 1811, le sultan ottoman Mahmoud II chargea Méhémet Ali, vice-roi d’Égypte, de réprimer les wahhabites. Après une campagne de sept ans, les forces égyptiennes dirigées par Ibrahim Pacha écrasèrent le premier État saoudien en 1818 .
Le rôle des Britanniques
Le soutien indirect initial
Plusieurs sources indiquent que les Britanniques ont vu dans le mouvement wahhabite un moyen d’affaiblir l’Empire ottoman, leur rival géopolitique. Alors que les Ottomans étaient alliés aux Français contre les Britanniques durant les guerres napoléoniennes (1798-1815), le wahhabisme représentait une menace interne pour la stabilité ottomane .
En 1810, Napoléon envoya même un émissaire, Théodore de Lascaris, pour proposer une alliance aux Saoud contre les Anglo-Turcs, ce qui suggère que les Britanniques surveillaient de près cette région .
L’approche britannique après 1818
Après la défaite des wahhabites en 1818, les Britanniques adoptèrent une position ambiguë. D’une part, le capitaine britannique Forester Sadler fut envoyé féliciter Ibrahim Pacha pour sa victoire contre les wahhabites . D’autre part, les Britanniques maintinrent des contacts avec les survivants de la famille Saoud, anticipant peut-être une future résurgence du mouvement.
La théorie de l’espion Hempher
Certaines sources, notamment issues du monde musulman, évoquent l’existence d’un espion britannique nommé Hempher qui aurait manipulé Mohammed ben Abdelwahhab pour créer une division au sein de l’islam. Selon cette théorie, exposée dans l’ouvrage “Confessions d’un espion britannique”, Hempher aurait influencé le jeune Abdelwahhab en flattant son ego et en l’encourageant à se considérer comme une figure prophétique .
Bien que cette théorie soit contestée par certaines historiens universitaires, elle reflète la persistance de soupçons quant à une possible ingérence britannique dans la genèse du wahhabisme.
Analyse des motivations britanniques
Stratégie de division
Les Britanniques appliquaient souvent la maxime “diviser pour mieux régner” dans leurs colonies. Le soutien au wahhabisme aurait permis de:
- Affaiblir l’Empire ottoman en encourageant des révoltes internes
- Créer des divisions au sein du monde musulman entre wahhabites et autres courants
- Contrôler indirectement une partie de la péninsule arabique
Contre-pouvoir à l’influence française
À l’époque napoléonienne, la France cherchait également à étendre son influence au Moyen-Orient (campagne d’Égypte en 1798). Le wahhabisme aurait pu servir de contrepoids aux ambitions françaises dans la région .
Préparation du terrain pour l’ère post-ottomane
En soutenant discrètement des mouvements comme le wahhabisme, les Britanniques préparaient peut-être déjà l’après-Empire ottoman, anticipant son déclin et cherchant à positionner des alliés potentiels dans la région .
Conclusion
Les liens entre les services britanniques et la naissance du wahhabisme relèvent davantage d’un soutien stratégique indirect que d’une création ex nihilo par les Britanniques. Si Mohammed ben Abdelwahhab développa sa doctrine de manière indépendante, les Britanniques semblent avoir perçu dans ce mouvement un instrument utile pour affaiblir l’Empire ottoman et influencer la géopolitique régionale.
Cette relation ambiguë se poursuivra au XXe siècle, lorsque les Britanniques soutiendront Abdulaziz Ibn Saoud dans sa reconquête de l’Arabie, aboutissant à la création de l’Arabie saoudite moderne en 1932 .