26 December 2025

Par notre bénévole Lhoucine BENLAIL directeur général du diplomaticnews.net

La disparition de Haj Saïd Mdaouchi n’est pas un simple événement personnel éphémère, mais un test révélateur de la structure du travail caritatif institutionnel dans nos sociétés. L’homme, dont le nom est devenu synonyme de charité directe sur le terrain, n’a pas seulement quitté la scène, il a laissé derrière lui un vide immense, semblable à celui laissé par un arbre géant déraciné. Les vagues de chagrin qui submergent des milliers de nécessiteux, d’orphelins et de bénéficiaires au Maroc et à l’étranger ne sont pas seulement une réaction émotionnelle à la perte d’un « bienfaiteur », mais le cri d’une angoisse existentielle face à l’effondrement possible d’un système entier de don qui reposait, hélas, davantage sur le « charisme » individuel que sur une véritable institutionnalisation.

Mdaouchi était un phénomène exceptionnel, incarnant la figure du « père spirituel » et de la « main tendre ». Cette description, malgré sa beauté émotionnelle, révèle une faille structurelle profonde : que signifie le fait que la continuité des projets vitaux pour des milliers de personnes – des paniers du Ramadan et des circoncisions au creusement de puits et à la construction de mosquées – dépende de la présence d’une seule personne ? La crise aujourd’hui n’est pas de trouver un « successeur » doté du même charisme, mais de s’interroger sur un point essentiel : où était l’institution pendant toutes ces années ? « L’Association ARRAHMA “de la Miséricorde » n’était-elle pas un cadre capable de transcender la personne de son fondateur et d’ancrer sa philosophie d’action dans des systèmes et des règlements transparents ? S’interroger sur le sort des projets inachevés, des dons restants et du terrain affecté pour cimetière réservé aux Musulmans aux Pays-Bas n’est pas une ingérence dans les affaires d’une famille, mais un droit légitime pour la communauté des donateurs qui a contribué par son argent et sa confiance, et un droit humain pour les nécessiteux qui y ont fondé l’espoir de leur subsistance.

Le silence du fils du défunt, Hamza Mdaouchi, face aux appels des savants et des personnes concernées – qu’il soit intentionnel ou dû aux circonstances du deuil – a transformé le vide émotionnel en une regrettable fracture de confiance. Ce silence ne concerne pas seulement la famille, il devient une question de responsabilité publique. L’héritage laissé par le défunt n’est pas simplement constitué d’argent, de biens immobiliers et de projets, mais d’un capital immense de crédibilité sociale bâtie sur des années de travail de terrain sincère. Protéger cet héritage n’est pas une faveur de quiconque, mais un devoir moral et légal qui exige une transparence absolue. Le vrai danger ne réside pas dans l’arrêt temporaire des projets, mais dans la transformation d’une institution caritative en un secret familial opaque, où les dons publics deviennent un héritage privé au destin incertain.

La situation actuelle exige plus qu’un « appel humanitaire ». Elle nécessite une transformation radicale de la culture du travail caritatif, passant d’une « starisation individuelle » tirant sa sacralité de la personne, à une « institutionnalisation transparente » fondée sur une gouvernance saine et une redevabilité communautaire. Le départ douloureux d’Mdaouchi doit servir de signal d’alarme pour toutes les organisations caritatives qui évoluent encore dans l’orbite des grandes figures. La véritable générosité est celle qui construit des systèmes qui perdurent, et non celle qui érige des statues pouvant s’effondrer à la mort de leur sculpteur. La question fondamentale qui émerge derrière les interrogations directes des nécessiteux est la suivante : faisions-nous des dons pour Mdaouchi l’homme, ou pour l’idée de miséricorde institutionnelle qui est supposée surpasser tout individu ? La réponse déterminera le sort d’une confiance communautaire qui pourrait nécessiter des décennies pour être reconstruite si elle venait à être gaspillée.

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