25 December 2025

Par notre bénévole Lhoucine BENLAIL directeur général du diplomaticnews.net

Ô nations égarées dans le tumulte des passions contemporaines, contemplez avec effroi ce spectacle qui s’étend sous nos yeux : les stades, ces cathédrales profanes érigées en béton et en acier, où des millions d’âmes se prosternent non devant l’Éternel, mais devant un ballon sphérique, capricieux et muet. N’est-ce pas là une idole nouvelle, forgée par l’homme pour combler le vide laissé par le déclin des autels traditionnels ? Le football, ce jeu autrefois innocent, s’est mué en un dieu implicite, un culte sans dogme déclaré mais aux rituels plus fervents que bien des prières oubliées.

Rappelez-vous ces mots d’un observateur averti : du temple antique à l’amphithéâtre moderne, le football a migré, emportant avec elle les foules en transe. Les supporters, ces fidèles zélés, ne se contentent plus de suivre un match ; ils appartiennent à un clan, héritent de leur allégeance comme d’une foi ancestrale, et considèrent toute défection comme une apostasie impardonnable. Les maillots deviennent reliques sacrées, les écharpes talismans, les chants hymnes collectifs qui font vibrer les tribunes comme jadis les chœurs des basiliques. Et dans cet effusion collective, n’entendez-vous pas l’écho de ce que les sociologues nomment le « débordement collectif » ? Cette extase où l’individu se dissout dans la masse, où la raison s’efface devant l’émotion brute, où l’on pleure, on exulte, on implore la victoire comme un salut divin.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est point une religion innocente. Derrière les lumières des projecteurs se tapit l’ombre du fanatisme. Combien de vies fauchées au nom de ce faux dieu ? Des émeutes sanglantes en Amérique latine, où des supporters rivaux s’entretuent pour un drapeau ; des hooligans en Europe qui transforment les rues en champs de bataille ; des incidents récents, en 2024 et 2025, où la violence éclate lors de derbys enragés, laissant derrière elle morts, blessés et un sillage de haine. Et que dire de ces insultes racistes proférées dans les gradins, de ces actes de discrimination qui souillent l’air même des stades ? N’est-ce pas là le prix d’un culte qui exalte la tribu au détriment de l’humanité commune ?

Ô hypocrites que nous sommes ! Nous dénonçons les extrémismes anciens, mais tolérons ce nouveau paganisme qui envahit nos écrans, nos conversations, nos existences. Les joueurs sont divinisés, élevés au rang de demi-dieux – un Maradona jadis proclamé « main de Dieu », des stars contemporaines adulées comme des prophètes infaillibles. Les mascottes, ces idoles cartoonisées, symbolisent une nation entière, simplifiant l’identité collective en un totem consommable. Et les compétitions internationales ? Des rituels civiques où l’on brandit drapeaux et hymnes, unissant riches et pauvres dans une communion factice, sans jamais interroger les inégalités profondes que ce spectacle masque.

Évoquons ici l’antique sagesse romaine, souvent attribuée à Jules César mais immortalisée par le satiriste Juvénal : « du pain et des jeux » – panem et circenses – cette formule cynique pour apaiser les masses, les distraire de leurs misères par des subsides basiques et des divertissements grandioses. Aujourd’hui, au Maroc, cette maxime résonne avec une ironie cruelle et accablante : même le pain manque à une partie importante de la population, où le taux de pauvreté multidimensionnelle avoisine les 6,4 % en 2023, avec des inégalités rurales persistantes et des données officielles qui, selon certains observateurs, sous-estiment gravement la précarité réelle. Des millions luttent pour l’essentiel, tandis que la corruption gangrène les sphères du pouvoir, avec le pays classé 99e sur 180 dans l’Indice de perception de la corruption en 2024, marqué par des scandales impliquant des centaines de personnes arrêtées pour pots-de-vin et une dégradation continue des classements mondiaux. Les services publics, eux, vacillent dans une précarité alarmante : éducation et santé défaillantes, infrastructures négligées, comme en témoignent les protestations massives de la génération Z en 2025 contre la détérioration de ces piliers essentiels et l’absence de réformes rapides pour l’emploi et le développement rural. Pourtant, le football demeure cette diversion suprême, un opium des peuples qui, dans la société marocaine, masque ces plaies béantes – pauvreté, corruption, inégalités – en canalisant les frustrations vers les stades, où les ultras eux-mêmes, dans leurs chants révolutionnaires, dénoncent parfois ces maux, mais où le régime trouve un moyen historique de détourner l’attention des masses aliénées. N’est-ce pas là le comble de la manipulation, où même le vin manque, mais les jeux persistent pour endormir les consciences ?

Mais posez-vous la question, ô lecteurs : cette passion est-elle libératrice ou aliénante ? Elle promet transcendance, unité, sens dans un monde désenchanté, mais ne délivre que frustration, division et vide renouvelé. Elle comble le creux spirituel laissé par le recul des vraies quêtes de l’âme, transformant l’homme en spectateur passif d’un cirque mercantile. N’est-ce pas une idolâtrie subtile, un opium des peuples moderne, qui détourne les énergies vitales vers l’éphémère au lieu de l’éternel ?

Il est temps de dénoncer vigoureusement cette dérive. Réveillez-vous, peuples enivrés par le ballon rond ! Interrogez cette ferveur qui vous enchaîne : est-ce là le sens que vous désirez léguer à vos enfants ? Un culte sans transcendance réelle, sans morale absolue, sans espérance au-delà du score final ? Retournons aux sources authentiques de l’esprit humain, avant que les stades ne deviennent nos seuls temples et que le football ne règne en maître absolu sur nos cœurs égarés.

Lhoucine BENLAIL
Directeur Général de diplomaticnew.net

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