Depuis plus de deux ans, le Ministre de la Justice a entamé un bras de fer avec l’organe chargé de la gestion du culte musulman. Le gouvernement, par la voix du Ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, n’en était pas satisfait, beaucoup de musulmans belges non plus d’ailleurs, certes. Un espoir était finalement né fin 2020.L’idée que le gouvernement assiste les musulmans à organiser de nouvelles élections pour l’ancien organe Exécutif de Musulmans de Belgique (EMB), nous l’avions déjà élaborée dans nos colonnes aux premiers heurts entre l’EMB et le Ministre début 2021. Nous avions également proposé au Ministre d’être transparent dans le choix d’une plateforme qui aiderait ces élections à s’organiser. L’idée a donc fait son chemin, mais le nouveau Conseil des Musulmans de Belgique (CMB), en remplaçant immédiatement l’EMB, lui retirant d’office ses attributions. Cela va bien au-delà de l’organisation de ces élections, le Conseil des Musulmans de Belgique (CMB) reprend la gestion du culte, sans aucune légitimité et reçoit deux ans pour se réorganiser. Les critiques pleuvent sur le Ministre et on pouvait s’y attendre. Les procédure en Justice vont bon train depuis plusieurs années, la paix du culte ne s’installe toujours pas. Le gouvernement, par ses choix sans arrêts imprudents voire incompétents par le passé, semblait entretenir une gestion chaotique de l’islam depuis des décennies.Les priorités du ministre ? Le gouvernement veut du professionnalisme, de la transparence et de la représentativité. En théorie, ce sont de très beaux objectifs. Dans la pratique, par contre, personne n’a encore documenter comment cela devrait voir le jour. Pour le professionnalisme, cela ne devrait pas être très compliqué d’imposer des diplômes d’un niveau minimum pour prouver ses connaissances de gestion, par exemple. On pourrait exiger aussi un minimum d’expérience, soit.Pour la transparence, on comprend aisément que le ministre veut de la transparence dans le financement et le fonctionnement d’un organe administratif, auxquels de nombreux organismes publics ou privés sont déjà soumis. On peut imaginer une comptabilité obligatoirement visée par un expert-comptable agréé. On peut imaginer aussi des procédures correctement décrites, pour que tout le monde sache comment fonctionne l’organe de culte.En ce qui concerne la représentativité, c’est un sujet bien plus vaste, puisque l’État belge ne connaît a priori pas les différents courants musulmans et comment les mettre autour d’une même table sur certains sujets. Si la reconnaissance d’une mosquée est surtout une affaire urbanistique et administrative que la Belgique maîtrise bien, la définition de l’enseignement musulmans est moins simple, puisque des écoles différentes diffèrent sur un nombre de détails qui peuvent avoir leur importance. L’enseignement de l’islam dans les écoles doit être pour tous les musulmans. Un CMB doit donc prévoir un débat entre toutes les “écoles musulmanes” (lisez : “courants musulmans”), pour que les points d’accord soient enseignés en tant que tel, mais que les différences entre les “écoles” soient expliquées aussi. L’enseignant doit pouvoir répondre aux questions des élèves de tous les courants musulmans présents en Belgique. C’est un travail de grande envergure, mais ce n’est pas impossible, si on choisit les personnes suffisamment ouvertes.Ensuite, il y a la formation, la certification et la nomination des serviteurs de cultes à différents niveaux qui doit être organisée. On peut penser aux aumôniers dans les prisons, des sacrificateurs agréés, voire des imams dans les mosquées. Le travail dans ce domaine est gigantesque, puisque presque tous ces personnels sont attirés de l’étranger, généralement par manque de formation approfondie en Europe dans ce domaine. L’influence religieuse venant de l’étranger pour une religion mondiale n’est donc en soi pas un problème. Le ministre doit déterminer comment la libérer de toute influence d’ordre politique. Même s’il n’existe forcément pas d’islam différent d’un pays à l’autre -le seul islam se base sur le Coran et la Sunna- les musulmans belges veulent un islam géré à la belge et tenant compte des soucis et priorités des croyants en Belgique, ce qui est bien normal.Le monde associatif constitue au autre pilier important de cette religion. L’islam ne se pratique pas qu’à la mosquée, les actions caritatives sont un côté essentiel pour certains. Les associations assurent une certaine représentativité à côté des mosquées, ces dernières ne rassemblant souvent qu’une fraction des croyants pratiquants. Et finalement, on pourrait imaginer la formulation politique de certains points de vue citoyens, des réponses à des questions importantes de la part des musulmans, pour que tous les partis politiques puissent s’en inspirer et satisfaire ainsi à cette tranche désormais importante de leurs électeurs.Le gouvernement a-t-il déjà défini tous les points d’action pour le nouveau CMB ? Pas encore, mais c’est aussi une chance. La nouvelle équipe a donc un grand travail à réaliser, sans que le ministre n’ait limité tous les contours. Il y a de la place pour la créativité des citoyens musulmans belges dont certains sont très compétents.Si le travail à exécuter est à la fois large et complexe, il est clair qu’aujourd’hui encore il faut crier haut et fort : “musulmans, levez-vous !” La ou les communautés musulmanes dans leur ensemble doivent soutenir l’initiative du ministre et se tenir à disposition du CMB pour aider à développer un organe de gestion du culte digne de la Belgique. Que les personnes qui ont l’islam dans le cœur ouvrent les bras au nouveau CMB, pour l’aider à réaliser une sortie de crise qui n’a duré que trop longtemps. Lors de la prochaine prière pour l’Aïd al-Adha au palais 12 au Heysel à Bruxelles ce 28 juin prochain, faisons tous ensemble des invocations pour que ce projet du ministre Van Quickenborne soit une vraie réussite, inchaa Allah. Michel Dardenne et Lhoucine Benlail