Par nnotre Bénévole Lhoucine BENLAIL Directeur général diplomaticnews.net
Source: Bruxellois, sûrement ! / 26 novembre 2025
Il est des silences qui hurlent plus fort que les discours. Celui qui, aujourd’hui, enveloppe le Conseil des Musulmans de Belgique en est un. Un silence de tombeau, sous lequel s’effondre, pierre après pierre, l’édifice que l’on nous avait présenté comme la grande espérance de l’Islam belge.
Il y a un an, on nous promettait la rupture. On allait enfin tourner la page sombre de l’ancien Exécutif, cette machine opaque gangrenée par les compromissions et les arrangements de couloir. Un nouveau conseil, dit-on, allait restaurer la dignité, la transparence, la légitimité. Un an plus tard, qu’observons-nous ? Le même théâtre, les mêmes acteurs, les mêmes vices, seulement drapés d’une respectabilité de façade qui se déchire à la moindre lumière.
Le ministre de la Justice, avec une froideur administrative qui en dit long, vient de refuser la reconnaissance du projet soumis. On comprend pourquoi : le document rendu n’est qu’un assemblage hâtif, un compromis de circonstance entre factions rivales, un texte qui ne porte ni vision, ni souffle, ni même l’ombre d’un consensus sincère. Une année entière perdue en querelles de préséance, en exclusions arbitraires, en réunions nocturnes dont personne ne connaîtra jamais les véritables conclusions. Une année offerte pour guérir, gaspillée pour s’entredéchirer.
Et voici venu le dernier acte de cette tragicomédie : l’Assemblée générale convoquée le 29 novembre. Une poignée de membres, excédés mais lucides, appellent au boycott. Leur réquisitoire est accablant et, hélas, irréfutable : l’ordre du jour bafoue les statuts, le conseil d’administration actuel siège au-delà de tout mandat légal, les décisions cruciales ont été prises dans l’ombre, loin des regards des représentants pourtant élus. On nous parle de démocratie ; on nous sert une oligarchie de fait.
Comment en est-on arrivé là ? Comment l’instance censée incarner l’unité des musulmans de Belgique peut-elle être à ce point contestée par ceux-là mêmes qu’elle prétend représenter ? Qui, au juste, tire encore les ficelles dans ce théâtre d’ombres ? Et surtout : qui paiera le prix de cet échec retentissant ? Les fidèles, bien sûr. Toujours les fidèles. Ceux qui, chaque vendredi, cherchent dans la prière un peu de paix et de sens, et qui découvrent que leurs prétendus porte-parole passent leur temps à se déchirer pour des sièges et des titres.
L’Islam belge mérite mieux que cette caricature. Il mérite mieux que ces luttes de clans qui rappellent les pires heures des républiques bananières. Il mérite mieux que ces silences complices des uns, ces surenchères indignées des autres, et cette incapacité collective à dépasser les ego pour ne serait-ce qu’esquisser un projet commun.
Alors oui, boycotter cette Assemblée générale illégitime est un devoir moral. Mais ce n’est qu’un premier pas. Car derrière le boycott pointe une question plus grave encore : allons-nous, une fois de plus, reconduire les mêmes visages, les mêmes méthodes, les mêmes compromissions, sous prétexte qu’« il n’y a pas d’alternative » ? Ou aurons-nous enfin le courage de tout remettre à plat, de repartir de zéro, avec des règles incontestables, des élections transparentes, et des hommes et des femmes qui placent l’intérêt des croyants au-dessus de leur ambition personnelle ?
Le temps presse. L’État, lassé, pourrait bien décider de trancher dans le vif. Et ce jour-là, ce ne seront pas les petits barons du CMB qui trinqueront : ce sera l’ensemble de la communauté musulmane, stigmatisée, suspectée, privée de voix.
Musulmans de Belgique, le moment n’est plus aux lamentations ni aux faux-fuyants. Il est à l’exigence. Exigez des comptes. Exigez la vérité. Exigez, enfin, que ceux qui parlent en votre nom soient dignes de cette parole.
Sinon, dans le silence assourdissant qui suivra l’effondrement, il ne restera que le regret d’avoir laissé mourir, par lâcheté ou par habitude, ce qui aurait pu être une belle et grande maison commune.
