
Édité par notre Bénévole le chef de la rédaction ALY BAKKALI TAHIRI
Source: Le figaro
Le Maroc est à un tournant. Ce samedi 25 octobre 2025, les rues de Casablanca, Rabat, Marrakech, Agadir, Tanger et Fès vibrent à nouveau sous les pas d’une jeunesse en colère. Le mouvement GenZ 212, né dans l’ombre des réseaux sociaux et porté par une génération connectée, appelle à une nouvelle vague de sit-in pacifiques pour exiger justice sociale, réformes urgentes et un véritable bouleversement du système. Face à un pouvoir accusé de corruption et d’inaction, ces jeunes Marocains ne demandent pas des miettes : ils veulent renverser un ordre établi qui les étouffe. Mais que cache cette révolte ? Et pourquoi le Palais tremble-t-il face à une contestation sans chef, mais d’une détermination implacable ?
Une jeunesse qui refuse de plier
Le 3 octobre dernier, près du Parlement à Rabat, une pancarte brandie par un manifestant résumait de GenZ 212 : « Renverser la corruption ». Ce cri, repris par des milliers de jeunes à travers le pays, n’est pas un simple slogan. Il incarne une rage profonde, celle d’une génération asphyxiée par un système où la santé, l’éducation et l’emploi sont des privilèges réservés à une élite. Né sur Discord après le scandale de l’hôpital Hassan II d’Agadir, où des femmes ont perdu la vie faute de soins décents, GenZ 212 a transformé un drame local en une révolte nationale. Ce mouvement, sans leader ni visage officiel, est une tornade qui menace de balayer les vieilles structures d’un Maroc à deux vitesses.
Dans un communiqué publié sur ses réseaux et son serveur Discord, GenZ 212 appelle « toute la jeunesse marocaine et l’ensemble des citoyens » à se mobiliser massivement ce samedi. « Nos manifestations sont pacifiques, mais notre colère est brûlante », insistent les organisateurs, qui refusent de voir leur élan s’essouffler. Après un pic de participation début octobre, suivi d’une baisse d’intensité, ces nouveaux rassemblements sont un test crucial. La question est sur toutes les lèvres : cette révolte s’éteindra-t-elle sous les promesses du Palais, ou marquera-t-elle le début d’un changement radical ?
Un système aux abois, des promesses en trompe-l’œil
Le 10 octobre, le roi Mohammed VI a tenté de désamorcer la crise par un discours promettant d’accélérer les réformes sociales. Quelques jours plus tard, le Palais annonçait un budget 2026 dopé de 140 milliards de dirhams pour la santé et l’éducation, avec 27 000 nouveaux postes à la clé. Une victoire pour GenZ 212 ? Loin de là. Pour ces jeunes, ces annonces ne sont qu’un pansement sur une plaie béante. « Pas de négociation avec ce gouvernement. D’abord la démission, ensuite la reddition des comptes », martèle le mouvement, intraitable. Les promesses royales, loin de calmer les esprits, sont perçues comme une tentative désespérée de sauver un système gangrené par le « capitalisme de connivence » dénoncé par la politologue Khaddouja Mohsen-Finan.
Ce modèle économique libéral, qui a enrichi une élite tout en abandonnant des régions entières à la précarité, est au cœur de la colère. « Le Maroc est un pays à deux vitesses », affirme Mohsen-Finan, pointant un régime qui produit de l’injustice à grande échelle. Les morts d’Agadir ne sont pas un accident : elles sont le symptôme d’un système de santé en ruine, d’une éducation défaillante et d’une corruption endémique qui asphyxient les Marocains. GenZ 212 ne se contente pas de demander des réformes ; il exige un nouveau contrat social, une refonte totale d’une gouvernance qui a trop longtemps ignoré les cris du peuple.
Une révolte hors des cadres, un pouvoir désemparé
Ce qui rend GenZ 212 si redoutable, c’est son organisation horizontale. Sans chef, sans porte-parole, le mouvement échappe aux griffes des autorités habituées à neutraliser les contestations traditionnelles. « Chacun de nous pourrait disparaître demain, le mouvement continuerait », lance Khalid, membre actif, dans une interview au Matin. Cette absence de structure centralisée déroute un pouvoir qui, face à la montée des tensions, a déjà répondu par la répression : des centaines d’interpellations lors des précédents rassemblements témoignent de la nervosité des autorités. Mais la répression suffira-t-elle à étouffer une jeunesse qui n’a plus rien à perdre ?
Khaddouja Mohsen-Finan l’affirme : « Ce mouvement a soulevé des questions auxquelles le pouvoir ne peut plus se dérober. » Contrairement aux Printemps arabes de 2011, GenZ 212 ne cherche pas à renverser un régime dans l’immédiat, mais à le forcer à se confronter à ses échecs. Les revendications vont bien au-delà de simples améliorations sociales : elles visent à démanteler un système où la corruption et les inégalités sont devenues la norme. « Ce n’est pas un nouveau Printemps arabe, mais une révolte générationnelle qui remet en cause la légitimité même de la gouvernance actuelle », analyse la politologue.
Une trace indélébile, un avenir incertain
Les sit-in de ce 25 octobre seront un révélateur. Si la mobilisation faiblit, le pouvoir pourrait reprendre la main, fort de ses annonces budgétaires. Mais si les rues s’embrasent à nouveau, GenZ 212 pourrait marquer un point de non-retour. « Même si le mouvement disparaît, il aura laissé une trace », prévient Mohsen-Finan. Car au-delà des pancartes et des slogans, ces jeunes portent un message universel : celui d’une génération éduquée, connectée et impatiente, qui refuse de se résigner à un avenir dicté par une élite déconnectée.
Pourquoi le Palais semble-t-il si fébrile face à une contestation sans leader ?
Quels intérêts protège-t-il en s’accrochant à un modèle économique qui exclut la majorité ? Et jusqu’où cette jeunesse est-elle prête à aller pour faire plier un système qui l’a trahie ? Une chose est sûre : GenZ 212 n’est pas qu’un mouvement. C’est un cri de rage, un appel à la justice, un avertissement au pouvoir. Les rues du Maroc, aujourd’hui, ne sont pas seulement le théâtre de manifestations : elles sont le miroir d’une société qui exige d’être entendue. Et ce miroir, le pouvoir ferait bien de ne pas le briser.