1 July 2025

Édité par notre Bénévole Lhoucine BENLAIL Directeur Officiel Diplomaticnews.net

Source : Communiqué de presse, Abdelkader Alami et Michel Dardenne

Bruxelles est une ville à part, capitale de la Belgique mais aussi cœur battant de l’Europe, siège de la Commission européenne, du Conseil de l’UE, d’une partie du Parlement européen et de l’OTAN, un carrefour où se croisent diplomates, fonctionnaires, entrepreneurs et plus d’un million de Bruxelloises et de Bruxellois. Pourtant, derrière l’image prestigieuse de capitale internationale, un danger plus profond et moins visible menace la Région bruxelloise, celui de perdre peu à peu les fondations de son autonomie et de basculer dans une réalité radicalement différente où elle ne serait plus une Région à part entière, mais simplement une ville flamande à facilités, absorbée dans un ensemble institutionnel dominé par la Flandre, avec à terme le risque que la Wallonie elle-même ne soit réduite qu’à une annexe dans une Belgique devenue flamande.

Depuis 1989, Bruxelles bénéficie d’un statut de Région fédérée, dotée de ses propres institutions et d’une architecture bicommunautaire unique qui garantit la représentation des francophones et des néerlandophones. Mais cet équilibre est aujourd’hui sérieusement fragilisé. D’un côté, la Flandre a mis en place, depuis plus de vingt ans, une série de mesures fiscales et administratives qui rendent la vie en périphérie bruxelloise plus attractive. Les droits d’enregistrement y sont passés de 12,5 % à parfois 2 %, la taxe de circulation y est moins lourde, l’administration y est plus fluide, les règles écologiques sont plus souples et plus favorables. Cette politique provoque un véritable exode : de nombreux habitants de Bruxelles, souvent de la classe moyenne supérieure, quittent la Région pour s’installer en périphérie flamande, tout en continuant à travailler à Bruxelles et les sociétés y mettent leur siège social. Ils utilisent les routes, les transports en commun, la sécurité, la propreté de Bruxelles, mais sans y payer leurs impôts. La Région, elle, se retrouve avec une base fiscale qui se rétrécit, alors même que ses charges augmentent, en particulier celles liées à son rôle de capitale nationale et européenne. Les navetteurs, plus de 450 000 chaque jour, représentent ainsi une charge que Bruxelles supporte presque seule, sans compensation fédérale suffisante.

De l’autre côté, une pression institutionnelle se fait sentir, plus sourde mais tout aussi menaçante. La N-VA, emmenée par Bart De Wever, ne cache plus son ambition de revoir le statut de Bruxelles. Dans la vision nationaliste flamande, Bruxelles ne devrait plus rester une Région autonome, mais devenir plus flamande et moins “étrangère” (à ce jour, deux tiers des bruxellois ne sont pas nés en Belgique). Elle est jugée trop coûteuse, trop francophone, et incapable de s’administrer seule. Pour la N-VA, il est temps de l’intégrer d’une manière ou d’une autre à la Flandre. Bart De Wever l’a dit clairement : « Si Bruxelles veut plus d’argent, elle doit accepter des réformes. » Cette phrase résume la logique de ce qui ressemble de plus en plus à une stratégie patiente et méthodique : étrangler financièrement Bruxelles pour mieux justifier ensuite une réforme institutionnelle radicale qui la placerait sous la tutelle flamande.

Cette stratégie trouve un terrain favorable dans le débat institutionnel actuel. Ainsi, la récente proposition de résolution A-15/1 déposée au Parlement bruxellois envisage de supprimer la double majorité linguistique, de fusionner les collèges électoraux néerlandophones et francophones, et de mettre fin à la garantie de représentation des néerlandophones au Parlement bruxellois. Si certains présentent ces réformes comme une modernisation démocratique, elles pourraient en réalité ouvrir la porte à une dynamique encore plus dangereuse. Car abolir la structure bicommunautaire, c’est détruire la clé de voûte qui fonde Bruxelles comme Région autonome. Sans cette protection institutionnelle, Bruxelles risquerait de se retrouver considérée non plus comme une Région fédérée, mais comme une ville flamande à facilités, où les francophones deviendraient progressivement une minorité tolérée plutôt qu’une composante fondatrice. Dans ce scénario, la Wallonie elle-même pourrait être amenée, sous pression budgétaire et institutionnelle, à négocier sa place dans une Belgique dominée politiquement et économiquement par la Flandre, ce qui constituerait un basculement historique aux conséquences imprévisibles.Ce débat ne concerne pas seulement la Belgique. Il a des implications directes pour l’Europe entière. Car Bruxelles est la capitale de l’Union européenne. Elle accueille non seulement ses institutions, mais aussi des milliers d’ONG, de fédérations professionnelles, d’entreprises internationales et de diplomates. Une crise institutionnelle bruxelloise aurait un effet domino, menaçant la stabilité juridique et administrative de la capitale européenne. Dans un contexte géopolitique marqué par la guerre en Ukraine, la montée des tensions Est-Ouest et la multiplication des stratégies de d’influence menées par des puissances étrangères, fragiliser Bruxelles, c’est fragiliser l’Europe. Une Bruxelles ingouvernable, placée sous tutelle ou déchirée par des tensions communautaires, offrirait un boulevard à ceux qui rêvent de discréditer le projet européen.

C’est pour éviter ce scénario qu’une initiative parlementaire discrète mais cruciale commence à voir le jour : l’ordonnance Bruxelles 2.0. Peu connue du grand public, cette réforme entend préserver Bruxelles comme Région autonome, tout en corrigeant ses failles actuelles. Elle vise à moderniser la gouvernance régionale, à renforcer l’efficacité des institutions, à assurer un financement stable et mieux réparti entre la capitale et le reste du pays, et à protéger le modèle bicommunautaire, garant d’une Bruxelles où cohabitent francophones et néerlandophones dans un équilibre respectueux. L’ordonnance Bruxelles 2.0 propose aussi de mieux organiser la coopération entre Bruxelles et sa périphérie flamande, afin d’éviter que la Région ne se vide progressivement de sa population et de ses moyens financiers, un processus qui, à terme, risquerait de la condamner à disparaître comme entité politique autonome.

Il ne s’agit pas d’une simple querelle institutionnelle. Il s’agit de savoir si Bruxelles restera ce qu’elle est : une Région fédérée à part entière, moteur de la Belgique et capitale européenne de la diversité, ou si elle deviendra une ville sous contrôle flamand, amorçant une recomposition complète de la Belgique. Il s’agit aussi de savoir si l’Europe pourra continuer à compter sur Bruxelles comme capitale stable et sécurisée ou si elle devra bientôt gérer une crise au cœur même de ses institutions. Les Bruxelloises et les Bruxellois doivent comprendre que cette bataille se joue maintenant. L’ordonnance Bruxelles 2.0 est peut-être la dernière chance de préserver un modèle qui fait de Bruxelles non seulement la capitale du pays, mais aussi un symbole de la coexistence et de l’équilibre belge et européen. Il est temps que ce texte sorte de l’ombre et que chacun mesure l’enjeu immense qu’il représente, non seulement pour la Région, mais pour l’avenir de la Belgique et de l’Europe tout entière.

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