Édité par notre bénévole Lhoucine BENLAIL directeur général diplomaticnews.net
Du 24 au 29 août 2025, le quotidien français Le Monde a publié une série de six articles intitulée « L’énigme Mohammed VI », offrant une analyse approfondie et nuancée du règne de l’actuel roi du Maroc. Cette investigation journalistique de grande envergure examine les multiples facettes de la monarchie, des dynamiques de pouvoir internes aux manœuvres diplomatiques, en passant par les défis sociaux et religieux. Voici une synthèse des points clés de cette série.
- Une jeunesse à l’ombre d’un géant
La série commence par retracer la jeunesse de Mohammed VI, marquée par l’autorité omniprésente et la figure monumentale de son père, Hassan II. Le Monde décrit un prince héritier préparé avec une rigueur extrême à assumer le trône, éduqué dans le protocole et les arcanes du pouvoir. Cette formation visait à forger un successeur capable, mais elle s’est également déroulée sous l’ombre portée d’un monarque dominant, façonnant un homme à la fois héritier et contraint par le poids de sa lignée.
- Le monarque des réformes inachevées
Au cœur de l’analyse se trouve le bilan des réformes entreprises depuis l’accession au trône en 1999. Le journal reconnaît des avancées significatives, notamment l’adoption du Code de la famille (Moudawana) qui a amélioré les droits des femmes, et des investissements massifs dans les infrastructures et le développement économique. Cependant, le constat est celui d’un chantier inachevé : les attentes sociales restent immenses, les inégalités persistantes et la promesse d’une démocratisation profonde semble stagner, laissant planer le sentiment d’un potentiel non pleinement réalisé.
- Roi des grandes manœuvres diplomatiques
Sur la scène internationale, Mohammed VI est dépeint comme un stratège agile. Le Monde met en lumière sa diplomatie économique active, notamment le retour réussi au sein de l’Union africaine et le développement de partenariats solides en Afrique subsaharienne. Le roi maintient également des relations équilibrées avec l’Europe et les États-Unis, tout en manœuvrant avec une position ferme et constante sur le dossier épineux du Sahara occidental. Cette habileté diplomatique est présentée comme un pilier essentiel de sa légitimité et de la stabilité du pays.
- Le Makhzen et l’art des secrets de palais
Le cinquième article explore l’épineux concept du Makhzen, l’appareil politico-administratif traditionnel et informel qui gouverne le pays. Le Monde décrit un système où le pouvoir véritable s’exerce souvent dans l’opacité des palais, through un réseau complexe de conseillers, de dignitaires et de proches de l’entourage royal. Cette structure parallèle, héritée de l’histoire, reste selon l’enquête le centre névralgique où se prennent les décisions les plus cruciales, illustrant la tension permanente entre modernité affichée et mécanismes de pouvoir traditionnels.
- Mohammed VI, Commandeur des Croyants face aux islamistes
Le dernier volet se penche sur un pilier fondamental de l’autorité royale : le statut de « Commandeur des Croyants » (Amir Al-Mouminine). Le Monde souligne que cette légitimité religieuse unique, inscrite dans la constitution, est un instrument de pouvoir absolu. Elle permet au roi de promouvoir un islam malikite modéré et officiel, et de contrer efficacement l’influence et le projet politique des mouvements islamistes, dont il rejette tant le programme que la vision sociétale. Cette position le place en rempart dans un contexte régional marqué par l’islam politique.
- Une atmosphère de fin de règne ?
En ouverture de sa série, Le Monde évoquait la question sensible de l’avenir, décrivant une « atmosphère de fin de règne » alimentée par les préoccupations concernant la santé du souverain et les spéculations sur sa succession. Le journal note une centralisation accrue du pouvoir et une absence de communication officielle transparente sur ces sujets, créant un climat d’incertitude et alimentant les interrogations sur la pérennité du modèle marocain.
Conclusion : Les paradoxes d’un règne
La série du Monde dresse le portrait d’un règne complexe et paradoxal, tiraillé entre héritage et modernité, ouverture et autorité, réformes ambitieuses et conservatisme des structures de pouvoir. Elle souligne les défis immenses – sociaux, politiques et de succession – auxquels le Maroc est confronté, tout en reconnaissant l’habileté diplomatique et religieuse de son monarque. « L’énigme Mohammed VI » réside peut-être dans sa capacité à incarner simultanément le plus grand vecteur de changement et le principal gardien d’un système ancestral.
Par : BENLAIL Lhoucine Analyste politique et vice-président de l’organisation « Non à l’injustice »
